RENTRÉE EUROPÉENNE DANS LE DÉSORDRE, par François Leclerc

Billet invité.

Se raccrochant à des symboles à défaut de s’entendre sur une politique, Angela Merkel, François Hollande et Matteo Renzi se sont pour la seconde fois rencontrés hier lundi dans cette formation tripartite qui a désormais succédé au vieux moteur franco-allemand. C’est à bord du navire amiral italien Garibaldi, qui participe au sauvetage des réfugiés, et dans l’île de Ventotene où fut rédigé par un prisonnier politique italien sous Mussolini, membre du parti communiste, un document fondateur de l’Europe, qu’ils se sont rencontrés. Mais cela ne les a pas menés loin, et cette rencontre s’est résumée à une opération de relations publiques en faveur de Matteo Renzi.

Partant dans tous les sens, les rencontres se multiplient en prélude au sommet européen de Bratislava du 16 septembre, faisant suite à celui des pays du groupe de Visegrad, et précédant la réunion d’Athènes du 9 septembre où seront présents les dirigeants de Chypre, de France, de Malte, d’Italie, du Portugal, et sauf contre-ordre de l’Espagne. La synthèse sera rude !

Sauf évènement imposant d’agir, la proximité des échéances électorales allemande et française n’est pas propice à une quelconque clarification. Le Brexit occupe tous les esprits, ainsi que le risque d’une rupture avec la Turquie qui relancerait l’exode des réfugiés. On aura toutefois noté qu’Angela Merkel a en Italie mis l’accent sur la flexibilité du pacte de stabilité européen, « que nous pouvons utiliser de manière intelligente », renvoyant prudemment à la Commission la responsabilité de l’utiliser. François Hollande s’est de son côté lancé dans la description d’un programme censé rendre à nouveau attractive l’Europe. Que l’on en juge, il repose principalement sur la sécurité des frontières et la coordination des politiques de défense et des moyens de projection, quel visionnaire !

Matteo Renzi a pour sa part repris son discours habituel sur la relance, après avoir bénéficié d’un soutien appuyé de la chancelière en raison de son virage à 180 degrés à propos du prochain référendum italien de l’automne : plus question de démission, en cas de victoire du non ! Un semblant de directoire européen pourrait dans ce contexte se conforter, renforcé par la présence de Mariano Rajoy s’il parvenait à ses fins en obtenant à l’arraché l’investiture aux Cortes, ce qui ne se dessine pas pour le moment. Toutes ces constructions politiques sont désormais marquées par une grande fragilité, comme si elles étaient destinées à retarder la poursuite inéluctable du démantèlement européen sans définir les moyens de le stopper. Alors, la relance, elle est tout à fait hors de portée…

Commençant jeudi prochain, la réunion annuelle des banques centrales de Jackson Hole organisée par la Fed se sera entretemps tenue. Il y sera notamment question de relever la cible d’inflation de 2%. « La politique macroéconomique ne peut se résumer à la politique monétaire », a déjà fait valoir Stanley Fischer, l’un des dirigeants de la Fed. Ce qui plaide pour l’adoption de mesures budgétaires prenant le relais des dispositions monétaires des banques centrales. Car à force de l’annoncer cela va arriver : elles vont vider la boîte à outils. Pas tout à fait, car la BCE vient d’innover en achetant via la Banque d’Espagne des obligations émises par deux entreprises spécialement à son intention. Sans y être déjà, on se rapproche de l’Helicopter Money…

La généralisation de la faiblesse de la croissance, y compris aux États-Unis, est la principale préoccupation du moment. A ce sujet, les autorités américaines et européennes ne sont pas en phase, seules les secondes se préoccupant de l’endettement mais pour préconiser la politique budgétaire que l’on sait. Le conformisme le plus épais continue de dominer la réflexion à ce propos, et il en est de même quand les partisans de la relance font appel aux sempiternelles recettes de relance budgétaire en faveur des infrastructures ou de l’éducation. Nous sommes bien au crépuscule d’une période qui s’achève, la pensée économique dominante n’étant pas en mesure d’expliquer ce qui s’est passé à défaut de l’annoncer, pas plus que d’appréhender celle qui s’entame.